Intro / contexte
Il y a quelque temps, j’ai eu l’occasion d’animer l’atelier COPRA du GAG (COntraintes Projet Réponses Agiles). Pour l’occasion, j’avais adapté l’atelier car la mécanique était adaptée à ce que je souhaitais faire avec mon client mais l’objectif final devait changer.
En effet, COPRA, sous sa forme initiale, a pour objectif de réunir autour d’un même atelier, des équipes agiles et des parties prenantes des projets agiles. Le but des interactions est de remettre à plat le processus projet de l’entreprise et de valider que tous les besoins (intentions) liés à ce process (et à la gestion de projet en général) continuent à être répondus par les pratiques agiles de l’équipe. Plus de détails ici.
Dans le cadre de l’intervention dont je voudrais vous parler, l’objectif de l’atelier était de réunir les acteurs de la gestion de projet (Chefs de Projet, Product Managers, Directeurs de projet…) afin de leur faire mettre à plat le process projet, d’identifier les irritants, freins, goulots d’étranglement… et de discuter de l’opportunité de répondre à ces derniers avec des pratiques agiles.
Cet atelier s’intégrant dans une démarche plus globale d’évolution des démarches vers une vision agile, je l’ai animé après plusieurs interventions de sensibilisation des équipes chez ce client.
Pour cet atelier, j’avais prévu 1/2 journée en groupes de 8 personnes.
Je ne détaillerai pas, dans le reste de cet article, les discussions et conclusions (étonnement) qui se sont manifestées durant l’atelier. Je vais prendre un peu de hauteur (enfin, je vais essayer) et revenir sur l’aspect facilitation de cet atelier.
Facilitateur : gardien du temps et de l’objectif de l’atelier?
Ca fait quelques années que je facilite des ateliers de groupe. Au delà d’une bonne préparation, je considère que lorsqu’on facilite un atelier vendu au client, avec un objectif de réflexion et/ou création commune, il est primordial d’être le gardien du temps (pour s’assurer que les différentes séquences prévues aient lieu) ainsi que le garant de l’avancée vers l’objectif (jamais de l’atteinte de ce dernier). C’est parfois compliqué, et les jeux sérieux peuvent mettre à mal cette vision (voir ma conférence sur le Hack de Jeux de société), mais c’est là tout le boulot du facilitateur et l’expérience est clairement un plus dans beaucoup de situations.
En tant qu’agiliste cependant, adepte de l’auto-organisation et des forums ouverts, j’ai souvent tendance à prévoir des ateliers qui peuvent partir dans plusieurs directions et de valider cette possibilité avec le commanditaire. « Ce qui se passe durant l’atelier est ce qui devait se passer » comme l’indiquent les principes du forum ouvert si chères à Romain Couturier et Alexandre Boutin.
COPRA : Ca part en vrille?
Je l’ai indiqué plus tôt, l’atelier COPRA (adapté) en question se déroulait après plusieurs étapes de sensibilisation agile. Je connaissais les personnes présentes dans l’atelier, et le contexte du client commençait à m’être un peu familier.
Je suis donc arrivé serein le jour de l’atelier, me disant que nous allions passer un moment agréable, ludique mais productif… et c’était vrai mais j’étais aussi loin d’imaginer ce qui allait se passer.
Je commence mon animation par un petit energizer, puis j’enchaîne avec quelques questions concernant ce qui s’est passé depuis ma dernière rencontre avec l’équipe et s’ils ont des questions concernant nos sensibilisations. 45 minutes plus tard, après avoir répondu aux questions des participants sur des pratiques et concepts très précis des ateliers précédents, nous entamons l’atelier.
Je partais avec pas mal de retard sur mon filage, mais la discussion était nécessaire donc je me dis que nous allons être d’autant plus efficaces par la suite… autant dire que je me trompais.
La première séquence de COPRA me montre que les personnes dans l’atelier ne sont pas alignées sur le process projet au sein de leur entreprise.. Je comprends aussi rapidement qu’ils n’ont pas si souvent que ca l’occasion de discuter de ce dit process… et qu’ils en ont besoin…
A ce moment là j’ai devant moi 2 options :
-recadrer les participants sur l’objectif de l’atelier et tenter d’atteindre l’objectif
-laisser l’atelier dériver.
J’ai choisi la seconde option. En effet, dans ce cas, essayer de les remettre sur le chemin de l’objectif aurait été complètement dérisoire : le besoin d’alignement sur le process, qui correspond à l’entrant de l’atelier COPRA, est nécessaire pour que ce dernier amène les apports attendus.
J’ai donc pivoté. Je me suis adapté… c’est pour moi la plus grande force d’un bon facilitateur.
Pour le second atelier prévu, j’étais plus préparé au déraillement mais étonnamment les participants sont partis sur des sujets complémentaires, tout en ne suivant pas non plus le chemin tracé par COPRA.
Pourquoi ça arrive avec COPRA?
Certes, lors de cette animation je n’ai pas réussi à guider les participants sur le chemin que nous avons tracé avec COPRA. Cependant, je pense que c’est ce qui fait de notre atelier une production de valeur. En effet, l’alignement sur le process, nécessaire à l’atteinte de l’objectif de COPRA, est rarement effectif dans les organisations. Cependant, proposer aux dites organisations de faire un atelier sur cet alignement est souvent complexe. Les individus au sein de ces organisations sont rarement prêts à admettre que le process en place n’est pas compris, efficace, adapté… alors même que souvent plusieurs personnes ont dépensé de l’énergie (et donc du temps et par rebond de l’argent de l’entreprise) à le mettre en place, le maintenir à jour…
Comme COPRA propose, dans sa première phase, de représenter ce process, il est normal que les problèmes d’alignement se manifestent à ce moment-là. Malgré tout, lorsque le désalignement n’est pas excessif, le filage de base de l’atelier (étalé sur une journée d’animation), n’est pas irréalisable.
De plus, COPRA propose de se mettre en action, au travers de la manipulation et du travail de groupe, autour de ce process, de réfléchir aux irritants et autres goulots d’étranglement de ce dernier… Il donc tout à fait normal que les participants le remettent en question car c’est sans doute la première fois, durant COPRA, qu’ils se retrouvent devant une matérialisation de ce process.
Quels enseignements en tirer?
Je continue à croire en l’atelier COPRA, je vais cependant rester plus vigilant sur certains points :
-L’atelier ne peut pas se dérouler sur une demi-journée sereinement. Je vais faire en sorte d’appuyer ce fait auprès des commanditaires.
-Il est prompt au dérapage. Il me faudra prendre cela en compte lorsque je parlerai d’objectif avec les clients.
-Il faut un facilitateur expérimenté pour l’animer. Basculer d’un objectif défini, lié à un filage souvent précis, vers un atelier de découverte et d’alignement, n’est pas forcément à la portée de tous les facilitateurs, surtout les juniors. Il faudra que je sois vigilant afin de trouver les bons entraînements à proposer aux membres du GAG qui souhaiteront se lancer dans l’animation de COPRA.
Conclusion
Finalement, les participants ont été satisfaits de l’adaptation et le rapport d’étonnement que je leur ai fourni va leur permettre d’avancer vers un alignement de la vision projet. Il y aura d’autres ateliers mais sans doute plus COPRA pour le moment. D’autres sujets seront à aborder avant de tenter de retourner vers des pratiques agiles au niveau global du système de gestion de projet.