J’accompagne des organisations dans leur transformation agile depuis quelques années maintenant.
Souvent, voir à chaque fois, l’obstacle majeur à la transformation efficace réside dans le manque de sponsoring de haut.
Oui, une transformation agile peut commencer par les équipes DSI (informatiques pour ceux et celles qui ne travaillent pas dans ce milieu). Oui, aussi, avoir comme sponsor principal le directeur des services informatiques, surtout si ce dernier est également dans les instances de prise de décision (CODIR, COSTRAT…) est nécessaire…. Mais malheureusement, ce n’est souvent pas suffisant.
La transformation agile via l’informatique est confortable, car la démarche agile est née d’équipes dans le développement logiciel et que les outils pour les aider à se transformer sont pléthores. La transformation agile via l’informatique apporte aussi rapidement des succès tangibles, tant dans la capacité à livrer de la valeur de manière plus efficace que dans l’amélioration des relations humaines.
Mais la transformation agile s’arrête souvent à l’informatique, et c’est un sujet qui me préoccupe de plus en plus.
Certes, nous entendons parler de démarche produit, d’agilité à l’échelle… mais dans la plupart des cas, la transformation a généralement plus d’impact sur les équipes techniques que sur le métier… et quand elle a de l’impact sur le métier, on remarque souvent une asynchronie entre ce qui est déployé côté produit et ce qui est déjà mis en place côté informatique.
Pendant longtemps, j’ai cherché à pointer un fautif dans l’organisation : c’est un manque de sponsoring de la part des hautes instances ou c’est un manque d’ambition de la transformation initiale…
J’en étais venu à me dire, également, que certaines organisations sont tombées dans une sclérose agile institutionnelle, comme le propose le titre de mon article. Cet espace temps presque confortable à mis chemin entre une transformation agile informatique réussie et une gestion métier des projets agiles à l’ancienne…
Mes réflexions m’ont souvent amené à remettre en cause les « promesses agiles » faites aux organisations: plus de rapidité, plus de valeur, plus de réactivité… Mais au final, on ne parle pas de l’effort à engager.
Une transformation demande avant tout de la volonté. La volonté d’essayer et de se tromper, mais d’apprendre de ces erreurs. La volonté d’affronter les difficultés avec sérénité, et de ne pas reculer devant le premier mur rencontré. La volonté de transformer l’essence même de l’entreprise.
Certains diront, et je ne suis pas forcément en désaccord avec eux, que la transformation agile demande trop d’efforts pour la plupart des entreprises ce qui les empêchera de se transformer… mais dans la plupart des cas, ce n’est pas nécessairement la volonté ou les efforts qui posent problème… et j’avais du mal à formuler les raisons.
Puis, il y a quelques temps, lors d’une discussion avec Stéphane Delbecque et Sébastien Noulé (autour d’un bon plat, ce qui n’étonnera personne les connaissant), un nouvel élément m’est apparu.
Nous étions lancé dans une grande discussion autour de la nature même de l’entreprise. Nous échangions sur le besoin d’une entreprise à survivre, à grandir et à entreprendre… j’y reviendrais sans doute dans un prochain article…
Dans cet échange, je me posais la question de savoir si cette nature d’entreprise ne mériterait pas d’être remise en question, en exposant les contradictions liées à la volonté de transformation et l’effort requis… Et Stéphane m’a demandé si je m’étais renseigné sur les 9 terreaux culturels décrits par André Robitaille. Sans doute à sa grande surprise je lui ai dit que non… et il m’a donc conseillé de me renseigner, ce que j’ai fait.
Loin de moi l’idée de vous faire un cours sur ces terreaux culturels, ce n’est pas mon métier et d’autres en font leur business que je ne voudrais pas rogner.. mais à la lecture du livre, j’en suis arrivé à la conclusion que depuis des années j’avais omis, dans mes réflexions, un aspect primordial de l’entreprise.
Lorsqu’on se lance dans une transformation agile, on a tôt fait de dire que la démarche se doit, pas essence, de s’adapter au contexte et que donc, les solutions proposées doivent être déployées en fonction des équipes, des individus, du métier… mais on oublie souvent de se poser la question de où l’organisation part.
Gravir le mont Everest demande un effort surhumain (surtout si on décide de redescendre avec ses déchets…), mais ce n’est pas l’atteinte du sommet depuis le dernier palier qui est le plus difficile, c’est toute l’ascension avant. Si une organisation décide de se lancer dans la démarcher agile et que celle-ci a déjà de bonnes bases de collaboration, de prise en compte de l’humain, de communication entre les différentes parties de l’entreprise, la transformation demandera moins d’effort que pour organisation qui est profondément individualiste et ultra formelle par exemple… C’est en cela que la connaissance des terreaux culturels peut aider.
Si on regarde où se situe l’organisation sur la carte des terreaux culturels, et qu’on se projette sur l’attente de transformation (c’est à dire où le sponsor souhaiterait l’amener), on peut alors adapter le discours et manager les attentes. D’après André Robitaille, faire bouger la culture d’une entreprise prend énormément de temps, et j’avoue que mon expérience tend à conformer cette observation. Sa proposition de timeline ne me parait pas aberrante : chaque terreau est divisé en 16 cases et la transition d’une case à une autre peut prendre entre 1 et 3 ans…
Cette donnée est loin d’être anodine, et je suis persuadé qu’elle m’aurait permis d’éviter bien des frustrations (autant pour moi que pour les équipes que j’ai accompagné) au fil des années.
Reste maintenant à trouver comment exploiter au mieux cette nouvelle donnée. La transformation agile doit/peut elle être un vecteur du changement de terreaux ou ne peut-elle se faire que pour des organisations pour lesquelles le terreau culturel est déjà propice? Je cherche encore la réponse, et j’ai hâte d’éprouver ces concepts lors de mes prochains accompagnements.