Décision ou choix?

Comme évoqué dans mon article d’introduction, j’ai récemment été confronté au sujet « Décider ensemble » lors d’une table ronde durant les Frappé-e-s du Game à Lille (18 au 20 Mars 2022).

Dans la préparation de cette table ronde et durant les échanges de celle-ci, j’ai pu évoquer la différence, de mon point de vue, entre décision et choix. Suzon a mentionné Charles PEPIN qui parle de ce sujet et nous avons échangé sur ce que cela signifie pour nous. Voici le résultat de nos discussions et des réflexions que cela m’a inspiré.

Décision ou choix: des différences fondamentales?

Image par Gerd Altmann de Pixabay
Image par Gerd Altmann de Pixabay

De mon point de vue, je comprends une différence fondamentale entre la décision et le choix. La décision vient d’un sentiment, d’une conviction, quand le choix se veut plus rationnel. Lorsque je décide de suivre une voie, je me confronte à moi même, lorsque je fais le choix d’avancer dans une direction, j’évalue les éléments factuels qui représentent les avantages et inconvénients des différentes directions.

La différence peut paraître imperceptible, surtout lorsqu’on se rend compte que peu de personnes se posent réellement la question, mais elle me semble centrale à la problématique de la prise de décision en entreprise (qu’elle soit individuelle ou de groupe).

En effet, beaucoup d’aspects de la vie de l’entreprise tournent autour de prise de décision. Or, lorsqu’on est dans un milieu professionnel, il est parfois (souvent, la plupart du temps…) indispensable de faire des choix rationnels plutôt que de prendre des décisions basées sur du sentiment.

De plus, il est plus facile de justifier un choix, car il se base sur des données tangibles et factuelles, plutôt que de défendre une prise de décision. La prise de décision dépend des valeurs de chacun et, à quelques exceptions près, je n’ai jamais rencontré d’équipe qui partage les mêmes valeurs à 100%. Certes, si notre équipe partage la même vision de ce qu’est le travail, de ce qu’elle doit faire, du cadre dans lequel elle peut prendre des décisions ainsi que, si elle est en mode agile, du produit, alors certaines décisions sont beaucoup plus faciles car elles sont organiques… mais il y aura toujours un moment où les valeurs seront confrontées les unes aux autres…

Accompagner la décision.

Photo by marianne bos on Unsplash
Photo by marianne bos on Unsplash

Dans mon métier d’accompagnateur de la transformation, je suis souvent confronté au sujet de la prise de décision. Une des premières questions que je me dois alors d’explorer avec les personnes accompagnées est ce sujet de la prise de décision. Avant même de parler de délégation, comme on peut le préconiser dans le cadre du Management 3.0 ou même de changer la manière de prendre des décisions, il faut explorer l’aspect rationnel exploitable autour de cette dernière.

Quel risque prennent-ils à conserver l’aspect « conviction » dans la prise de décision? Ont-ils la capacité de trouver les éléments qui permettent de transformer la prise de décision en choix? Si oui, comment faire?

Au-delà de proposer des moyens pour explorer la rationalité du sujet et d’identifier les éléments qui permettent d’être purement factuel, nous avons à notre disposition plusieurs principes qui vont nous permettre d’avancer vers un choix.

Transformer les moments de prise de décision en choix – Rendre explicite et documenter.

Il est souvent difficile de parler de la prise de décision dans un cas précis avec les équipes, car au moment où le sujet apparaît dans votre radar, il est souvent trop tard pour explorer les aspects factuels. En effet, à moins que l’équipe ne soit confrontée à une décision à prendre pour dans quelques semaines, nous nous retrouvons souvent dans une situation de quasi-urgence, avec une décision à prendre rapidement (ou pour hier).

Cependant, si il est souvent trop tard pour transformer la décision directement devant leurs yeux en choix, nous pouvons travailler avec eux pour préparer les prochaines prises de décisions. Et cela va passer par plusieurs techniques différentes, qui peuvent se faire indépendamment les unes des autres ou en concomitance… La première est le « rendre explicite ».

Cette maxime, que j’emprunte à la démarche Kanban présentée par Laurent Morisseau, s’applique bien dans notre cas: si nous rendons explicite la manière dont les prises de décisions habituelles doivent se faire, les éléments à produire ou à investiguer… nous donnons alors toutes les données nécessaires aux personnes responsables de cette prise de décision afin qu’elles puissent faire un choix plutôt que de prendre une décision (gut feeling en anglais).

Ce “rendre explicite” a également l’avantage de faire avancer la partie documentation de la prise de décision. Et de fait, de pouvoir la défendre en cas de remise en question ou de demande de justification.

Je n’élaborerais pas sur l’aspect accompagnement de la délégation de prise de décision, mais je la trouve grandement facilitée quand les choses sont explicites…

Au-delà du « rendre explicite », la documentation de notre prise de décision est importante… Si nous sommes capables de documenter notre prise de décision, c’est sans doute que nous avons suffisamment d’éléments factuels pour en avoir fait un choix…

Transformer les décisions en choix – L’entraînement.

Photo by Karsten Winegeart on Unsplash
Photo by Karsten Winegeart on Unsplash

Une autre technique intéressante lorsqu’on aborde la prise de décision, c’est l’entraînement. En effet, plus l’équipe ou l’individu s’entraîne en se mettant en situation (via des serious games, des post-mortem, des rétrospectives…) plus l’aspect émotionnel de la prise de décision s’efface, pour faire place au raisonnement (certes conditionné) et aux faits.

Le choix et le droit à l’erreur

Image par Gerd Altmann de Pixabay
Image par Gerd Altmann de Pixabay

L’avantage de passer du côté factuel de la prise de décision, c’est qu’en la documentant, nous pouvons également proposer des éléments tangibles à suivre afin de valider le choix fait. Dans ce cas, il est important de proposer un indicateur de réussite ou de confirmation de la bonne direction. Plus cet indicateur sera rapide et facile à suivre, plus vite nous pourrons envisager le succès ou l’échec de la voie empruntée et donc rectifier le tir en changeant le choix. Ce droit à l’erreur n’est pas inné dans nos organisations traditionnelles, surtout quand nous abordons des décisions stratégiques ou venant de la direction… mais sa mise en place est grandement facilitée par l’abandon des décisions émotionnelles au profit de choix factuels.

Conclusion

Dans mon métier d’accompagnateur du changement, il est souvent question d’accompagner la prise de décision, soit en mettant en avant son dysfonctionnement dans l’organisation observée, soit en permettant aux individus d’explorer les différents types de décision et les outils qui peuvent faciliter la prise de décision.

Il est souvent indispensable, d’accompagner aussi la transformation du regard par rapport à cette prise de décision, et donc d’accompagner le changement d’une prise de décision en choix aussi souvent que possible. En effet, un choix est souvent plus facile à défendre devant les instances supérieures ou devant les collaborateurs. Un choix bien documenté, facilite la mise en place d’indicateurs de succès, qui permettent, en retour, d’envisager des retours en arrière ou des changements de direction (droit à l’erreur) rapide, en fonction de ceux-ci.

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