Une équipe, plusieurs produits…

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Parmi les modèles que j’ai pu observer dans les organisations agiles, celui d’une équipe unique en charge de plusieurs produits revient régulièrement. Et pour cause : il semble répondre à une équation complexe entre contraintes budgétaires, volumétrie de travail et gestion de la compétence. Bien qu’il pourrait sembler à l’opposé des besoins et contraintes de croissance, on le rencontre assez souvent, quelle que soit la taille de l’organisation y faisant appel.

Mais si ce modèle peut être séduisant, il n’est pas sans effets secondaires…

D’où vient cette organisation ?

J’ai vu émerger ce type de montage dans plusieurs cas de figure :

  • Petites structures avec peu de développeurs, mais plusieurs produits à maintenir ou faire évoluer
  • Grandes entreprises dont les équipes, initialement découpées en feature teams, ont fini par surcharger leurs périmètres en additionnant les responsabilités
  • Équipes orientées “segment” ou “clientèle” qui gèrent un portefeuille fonctionnel large
  • Rattrapage de shadow IT : plusieurs applications développées dans des coins de l’organisation sont “récupérées” par une même équipe pour centraliser la maintenance

Dans presque tous ces cas, le déclic organisationnel est lié à une impossibilité de justifier une équipe dédiée par produit, soit par manque de budget, soit par dilution de la compétence.

Un modèle qui coche (en partie) les bonnes cases

Sur le papier, ça peut fonctionner. Mieux : ça peut même avoir des effets positifs.

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L’équipe est toujours occupée sur des sujets concrets, qui ont un impact visible pour les utilisateurs.
Les membres deviennent experts dans l’arbitrage, la priorisation, et apprennent à jongler avec plusieurs contextes.
La gestion capacitaire et budgétaire devient plus agile : on ne paie pas une équipe dédiée pour chaque produit, mais on mutualise les efforts intelligemment.

Et cerise sur le gâteau : lorsqu’il y a une chaîne de valeur commune, l’équipe devient un véritable levier de satisfaction client. Le feedback est plus rapide, les arbitrages plus éclairés, et les dynamiques d’amélioration continue peuvent émerger.

Mais attention… la magie a ses limites

À mesure que ce modèle s’installe, certaines douleurs apparaissent. Et si elles ne sont pas traitées, elles finissent par tuer la dynamique d’équipe.

Conflits de priorités entre les produits, surtout quand chacun a son PO, son budget, ses impératifs.
Des produits peu actifs où la compétence se perd… et qu’il faut réapprendre à chaque sollicitation.
Une perte de sens quand les produits sont trop hétérogènes : l’équipe ne sait plus trop “à quoi elle sert”.
Si Scrum se veut encore appliqué, les sprints n’ont plus vraiment d’objectif d’équipe commun, voire le cadre Scrum disparait faute de cohérence.
Une sensation d’être davantage gestionnaires de flux budgétaires que créateurs de valeur.
Une posture de “plombiers applicatifs”, toujours dans le run, rarement dans l’innovation.

Des symptômes à ne pas ignorer

Quand ce modèle commence à dérailler, certains signaux faibles émergent. Ils sont souvent perçus, mais rarement pris au sérieux à temps :

  • Une fatigue chronique s’installe dans l’équipe
  • Les rétrospectives tournent en boucle sur les mêmes sujets sans action réelle
  • Le time to market s’allonge sur tous les produits, même les plus prioritaires
  • Le bruit de couloir monte : “cette équipe, on ne sait jamais ce qu’elle fait”
  • Certains produits ne sont plus mis à jour pendant des mois, faute de “place” dans les sprints

Ce que j’ai vu fonctionner

Heureusement, certains accompagnements ont permis d’expérimenter des pistes d’amélioration :

  • Création d’un PO central, voire d’un CPO, avec des PO ou proxy PO délégués par produit
  • Suivi explicite des compétences et des risques via matrices et truck factors
  • Spécialisation douce : certains membres deviennent référents de produits “lents” pour limiter la friction contextuelle

Trois ingrédients pour survivre (et performer)

Si je devais tirer une ligne claire de ce que j’ai observé, je recommanderais ces trois piliers :

1. Portefeuille maîtrisé et cohérent

Pas 12 produits par équipe. Pas de périmètres déconnectés les uns des autres. L’équipe doit pouvoir trouver du lien entre les sujets qu’elle porte.

2. Backlog unique, priorisation centralisée

Un seul responsable de la priorisation (PO ou CPO), et des pratiques explicites (comme le WSJF). Il faut éviter la guerre des ego produits.

3. Budgétisation forfaitaire et à froid

L’équipe ne devrait pas passer son temps à arbitrer les lignes budgétaires. En instaurant un cadre budgétaire fixe par période, on remet la maîtrise du backlog dans les mains de l’équipe. Et on gère les déséquilibres après, à tête reposée.

Et ensuite ?

Ce modèle peut fonctionner, à condition de ne pas le laisser dériver dans le silence.

Il est souvent une étape transitoire, un compromis. Il peut être utile, voire vertueux, mais demande une écoute constante, une vision partagée, et le courage de réajuster si l’usure s’installe.

Et surtout… il ne faut pas hésiter à se demander : “Quel serait le prochain modèle ?”

Dans le prochain article : Une équipe build, une équipe run… en alternance?

Article créé en utilisant ChatGPT comme sparring partner.

Les organisations d’équipes